Si vous ne visualisez pas correctement cette lettre d'information, cliquez ici

 
  Editorial - octobre 2010  
   

Une rentrée riche d'événements aux Archives françaises du film ! Les rendez-vous de l'automne : les festivals de Pordenone, Blois, Compiègne, les programmations du lux à Valence, permettent aux films de patrimoine de rencontrer des publics variés, des spécialistes du cinéma muet en Italie aux classes des écoles primaires de Compiègne. Cette période est aussi celle de la mise en route des restaurations qui, nous l'espérons, illumineront les écrans des beaux jours à venir comme celles des films de Carlos Diegues, A Grande cidade (La grande ville) et Joanna Francesca (Jeanne la française) ou celle en couleurs du Voyage dans la lune de Georges Méliès. Ce travail de longue haleine, entrepris sous la responsabilité de Lobster Films, la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du Cinéma, avec le concours de Madeleine Malthête-Méliès, sera très certainement l'un des événements des célébrations du 150e anniversaire de Georges Méliès .

Les Archives françaises du film ont aussi une actualité interne riche avec l'arrivée de Laurent Cormier à la tête de la Direction du patrimoine du CNC et le prochain départ en retraite de Jean-Louis Cot. Son long parcours aux Archives sert de fil rouge à cette lettre, nous permettant de saluer Coralie Schwander qui lui succède au service Inventaire, Conservation et logistique et de rappeler la très belle édition vidéo de deux films de Marcel L'Herbier à la restauration desquels Jean-Louis apporta son concours. Quelques pas de danse pour finir vous proposent une nouvelle exploration thématique des collections des Archives en même temps qu'un voyage à travers l'histoire au XXe siècle d'un art que le cinéma accompagne dans leur même fascination du mouvement.

Béatrice de Pastre - Directrice des collections des Archives françaises du film - CNC

 
 

Jean-Louis Cot : portrait

 
Jean-Louis Cot

Jean-Louis Cot

 

En 1973, Jean-Louis Cot, sortant d'une école de cinéma, arrive au service des archives du film du CNC afin d'y effectuer un stage lui permettant d'obtenir sa carte professionnelle. Il y resta 37 ans durant lesquels il participa activement aux différentes mutations des archives.
« A mon arrivée, cela faisait seulement quatre ans que le service des archives avait été créé et nous étions deux fois moins nombreux qu'aujourd'hui. Ma première tâche fut de débarrasser la cave du réalisateur Claude Autant-Lara ! Par la suite, à la demande de Franz Schmitt, le conservateur de l'époque, j'ai organisé le tri des dépôts. Ceux-ci arrivaient par camions entiers... » Passant du pré-inventaire à l'inventaire, puis au catalogage, Jean-Louis Cot a également assuré les premières consultations pour les chercheurs.

« J'ai travaillé près de deux ans sur la collection des Archives de la planète d'Albert Kahn : ce sont des films réalisés entre 1909 et 1929 et qui documentent un état du monde. J'ai ainsi découvert tous les pays parcourus par les opérateurs : la Chine, l'Inde, l'Afghanistan... mais aussi les manifestations des années 1920 qui étaient filmées (pas toujours très bien d'ailleurs) heure par heure. Tous ces sujets étaient mêlés et ce fut un énorme travail de les inventorier et de les sauvegarder sur un support de sécurité. ».

 
L'Inhumaine

L'Inhumaine, Marcel L'Herbier
© Marie-Ange L'Herbier

 

« J'ai ainsi participé à de nombreuses restaurations et il serait trop long de les citer toutes. Je me souviens, cependant, de la collaboration de Marcel L'Herbier sur ses films comme L'Inhumaine et Feu Mathias Pascal. N'y voyant presque plus, je lui commentais les scènes au fur et à mesure du montage... Pour en revenir à l'inventaire, il y avait des dépôts qui pouvaient être source d'émerveillement. Je pense surtout aux dépôts des forains : on pouvait y découvrir des films coloriés à la main, des Méliès, des de Chomón... Et les découvertes ne sont pas seulement visuelles : un jour, alors que j'étais dans le couloir non loin de la salle de projection du laboratoire, j'ai entendu la voix d'Antonin Artaud. C'était le bout d'essai qu'il réalisa pour un film où, au final, il ne fut pas retenu, mais ce document fait partie des curiosités de nos collections. ».

En 1983, Jean-Louis assume de nouvelles responsabilités comme chef du département Inventaire. Les effectifs de son équipe sont doublés à l'occasion du plan dit « Nitrate » mis en oeuvre pour la sauvegarde des films anciens. L'inventaire se double d'un travail d'analyse des éléments filmiques afin de monter les dossiers de restaurations.

 
L'Homme du large

L'Homme du large, Marcel L'Herbier
© Marie-Ange L'Herbier

 

En 1994, la « mission code-barre » révolutionne, en le rationnalisant et en l'informatisant, l'inventaire et aide à la mise en place d'une politique de stockage toujours active aujourd'hui. En 2004, on gère les stocks, on inventorie et on indexe les oeuvres cinématographiques grâce à une nouvelle base de données, Lise, au développement de laquelle Jean-Louis participe activement. Depuis, celle-ci ne cesse d'évoluer pour répondre aux nouvelles exigences documentaires. Elle s'ouvrira bientôt aux données collectées dans le cadre d'un inventaire national du patrimoine cinématographique, dernier chantier entamé par Jean-Louis Cot avant son départ prévu en décembre prochain.... De toutes ces années, Jean-Louis garde le souvenir de rencontres exceptionnelles avec des auteurs, des historiens et des réalisateurs, qui ont marqué l'histoire du cinéma.

 
 

Coffret Marcel L'Herbier

 
Coffret Marcel L'Herbier

Coffret Marcel L'Herbier

 

Le coffret, édité il y a quelques mois par Gaumont, réunissant L'Homme du large et Eldorado, deux restaurations des Archives françaises du film du CNC, est un objet rare dont les livrets rassemblent fac-similés de documents d'époque et articles inédits. Outre les deux films emblématiques de Marcel L'Herbier, les DVD présentent une série de courtes fictions, produites par la société Gaumont au début du XXe siècle et issues des collections des Archives. Egalement au programme, trois bandes annonces datant des années 1920, période où se construit le genre, et un document exceptionnel préfigurant les « making of », tourné probablement par Léonce Henri Burel et son équipe en 1924, pendant la réalisation de Salammbô (Pierre Marodon) sur les plateaux de la Sascha films à Vienne en Autriche.

 
 

Entretien croisé au service Inventaire, conservation, logistique

 
Jean-Louis Cot & Coralie Schwander

Jean-Louis Cot & Coralie Schwander

 

Début décembre 2010, Jean-Louis Cot, chef du service Inventaire, conservation et logistique, part à la retraite après 37 ans passés aux Archives françaises du film du CNC. Coralie Schwander, qui lui succèdera, travaille à ses côtés depuis le mois de septembre. Entretien où se croisent deux personnalités, deux modes d'appréhension du métier et un même souci de défense du patrimoine cinématographique...

Jean-Louis Cot : « A présent, je passe le relais et, c'est assez rare pour le noter, cette transition s'effectue sur trois mois, ce qui nous laisse le temps d'étudier ensemble les dossiers en cours et les chantiers à venir. »
Coralie Schwander : « C'est d'autant plus important que je ne viens pas du milieu du cinéma à l'inverse de la majorité des personnes travaillant à Bois d'Arcy. En effet, j'étais auparavant au musée du Quai Branly où j'étais en charge des collections des Arts africains et océaniens. J'avais procédé à la constitution de l'inventaire des collections ainsi qu'à l'administration des archives scientifiques et administratives.

 
Coralie Schwander

Coralie Schwander

 

Détentrice d'un master en informatique, j'ai tout naturellement travaillé sur les bases de données, leur normalisation et leur interopérabilité. C'est sur cette expérience que je compte m'appuyer afin d'opérer une mutation au sein de mon service en passant d'une extension de l'industrie du cinéma, notamment dans les termes utilisés, à des pratiques d'institution patrimoniale. »
JLC : « Un des chantiers auquel Coralie est déjà confrontée est celui de l'inventaire national où ses compétences en matière de base de données vont être très vite sollicitées. »
CS : « Il faut rapidement établir un masque de saisie, simple et ergonomique, afin de permettre aux personnes en charge de cet inventaire de renseigner la base de données Lise malgré les masses importantes d'éléments filmiques à traiter. Ce chantier illustre bien le besoin de connaissance des collections à une échelle nationale, connaissance indispensable à une large valorisation du patrimoine cinématographique. »

 
Coralie Schwander

Coralie Schwander

 

JLC : « Un autre avantage à ce "filage" entre nous est que le service reste opérationnel, sans rupture. Les procédures consistant à permettre aux partenaires des Archives d'accéder directement à leurs dépôts dans Lise s'intensifient et donnent ainsi aux agents de la logistique la possibilité de gérer les stocks tout au long de la chaîne de traitement au sein de l'établissement. Ce dispositif participe clairement du souhait de transparence qui anime aujourd'hui les Archives. Durant de nombreuses années nos préoccupations majeures s'attachaient à la conservation des films. Il était impératif de les sauvegarder avant leur destruction inéluctable. Nous n'avions pas le temps de faire des choix : tout ce qui arrivait aux Archives devait être pré-inventorié et stocké dans les meilleures conditions possibles. »
CS : « A présent que ce travail de conservation est bien éprouvé, je pense que les agents de mon service vont participer plus activement à la connaissance et la valorisation des collections qu'ils inventorient. Un travail en collaboration avec les différents services des Archives permettra de définir des priorités quant aux dépôts en cours mais aussi dans le traitement de dépôts plus anciens. »

 
 

Les séries comiques françaises avant 1914 au festival de Pordenone

 
   
La revue 1895
La revue 1895
 

A l’occasion de la parution de la revue 1895 éditée par l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma, consacrée aux sources du burlesque cinématographique et des comiques des premiers temps (sous la direction de Laurent Guido et Laurent Le Forestier), une rétrospective consacrée à ces films réalisés avant 1914 a eu lieu à Pordenone. Le Giornate del cinema muto ont ainsi programmé six séances conçues par les Archives françaises du film du CNC. Elles ont également collaboré à la revue en établissant une filmographie des séries comiques, d’"Agénor" à "Zoé", et en permettant l'édition de vingt films restaurés issus de leurs collections sur le DVD qui accompagne cette parution.

C’est à partir de 1905 que l’école burlesque française acquiert une renommée internationale : le corpus des scènes comiques s’organise selon deux tendances : celle articulée autour d’un thème récurrent (comme celui de la poursuite), et celle présentant un personnage qui, quelles que soient les péripéties du scénario, affichait des caractéristiques constantes. Parmi ces acteurs comiques, quelques-uns sont fameux, d’autres oubliés, beaucoup demeurent inconnus. Il est arrivé qu’un même personnage soit interprété par plusieurs acteurs, et qu’un même comédien joue des personnages différents lorsque le succès d’une série s’était épuisé. Personnages et acteurs ont pu passer sous l'emblème de diverses maisons de production. Ensemble, acteurs comiques, troupes de fantaisistes, réalisateurs constituent ce que l’histoire à retenu sous le vocable des « primitifs » français qui, durant la première décennie du vingtième siècle, inventèrent le comique cinématographique. Acrobaties, poursuites, bagarres, farces, sottises, situations de vaudeville, quiproquos, tout fut exploré par ces pionniers d’un nouvel art.

 
 

"Découverte thématique des collections"
6 - La danse

 
La Création de la serpentine

La Création de la serpentine, de Chomon
© Collectins CNC-AFF

 

Tous deux apparus au tournant du 20e siècle, le Cinématographe et la danse moderne sont presque exactement contemporains. Pourtant, si les opérateurs Lumière se tournent bien vers la danse dès 1896, c'est pour documenter le large éventail des danses folkloriques (danse tyrolienne, tarentelle en Italie en 1897, jota andalouse en 1898, Danseuses cambodgiennes du roi Norodom en 1902), ou mettre en images les différents pas du ballet le plus classique ( la série Ballet de Flora) . Dès lors, l'intérêt du cinéma s'affirme toutefois pour cet art qui, depuis toujours, sculpte les matériaux du mouvement, de l'espace et du temps qui sont aussi ses puissances propres.

De la danse, le Septième Art prend d'abord les dimensions les plus acrobatiques, spectaculaires jusqu'au démoniaque, comme en attestent des oeuvres telles que La Danse du diable, produite par Pathé en 1904, ou les fééries réalisées par Segundo de Chomón qui en 1908, attribue La Création de la serpentine à Méphistophélès. De fait, c'est bien de la fascination que semble procéder le rapport qui se noue alors avec les cinéastes et ces monstres sacrés que sont les prima donna et autres danseuses mythiques de l'époque. Ainsi, Loïe Fuller est-elle tout à la fois le sujet et l'objet d'un film éponyme dès 1905 ; en 1909, Jules de Froberville immortalise la Russe Tamara Karsavina, dans sa fameuse Danse du flambeau. Et c'est peut-être quand, la même année, Froberville croise la route de Serge Diaghilev et de ses Ballets Russes que, sans le réaliser encore, le cinéma commence à explorer ses affinités profondes avec cette modernité qui saisit la danse en conditionnant l'intensité du geste à l'intensité du sentiment.

 
Pas de deux

Pas de deux, de Froberville
© Xavier de Froberville

 

Le film qui concrétise cette rencontre, Pas de deux, est présent dans les collections des Archives françaises du film ; restauré et numérisé, il est visible si l'on consulte le « Parcours découverte » que le site des Archives consacrait aux Ballets Russes à l'occasion de leur centenaire. Mais bien au-delà, c'est l'ensemble des collections qui à travers les décennies, témoigne du compagnonnage ininterrompu entre cinéma et danse, depuis certaines des « Phonoscènes » Gaumont des années 1910 jusqu'aux films de (ou sur les) chorégraphes contemporains, des années 1980 (Dominique Bagouet, Régine Chopinot, Jean-Claude Gallotta), et 1990 (Angelin Preljocaj, Bouvier et Obadia). Sans omettre les comédies musicales hollywoodiennes des années 1940 et les ballets filmés par Jean Benoit-Lévy pour la série « Ballets de France », qu'il produit et réalise pour la télévision dans les années 1950.

Ce corpus « Danse » continue à s'enrichir au quotidien, de par le travail de thématisation entrepris par les chargés d'études documentaires des Archives françaises du film et du fait du dépôt légal. Les documentaires livrés dans les années 2000 par Frederick Wiseman (La Danse, le ballet de l'Opéra de Paris, 2009), Nils Tavernier (Tout près des étoiles, 2001) ou David LaChapelle (Rize, 2005) sont autant d'hommages récemment rendus à la danse par ceux que, comme le personnage d'avocat infirme qu'interprète Robert Taylor dans Party Girl de Nicholas Ray en 1958, fascine ce moment de pur cinéma où la pesanteur cède littéralement le pas à la grâce.

Parcours découverte Les Ballets russes

 
 

Films en quête d'identification

 
Les Colosses de Memnon

Les Colosses de Memnon
© Collections CNC-AFF

 

Le film proposé à la sagacité des chercheurs est un péplum datant vraisemblablement des années 1920, peut-être 1927 (datation pellicule de l'élément conservé aux Archives). Intitulé, par le service Analyse et gestion documentaire des collections, "Les Colosses de Memnon" en raison de l'histoire, l'absence de début et de fin du film en oblitére toute identification.
L'intrigue : dans l'Egypte antique, Araxez, fils du pharaon Ramsès, a levé une armée de rebelles pour lutter contre Sanuasrit qui a usurpé le trône. Un espion a découvert leur refuge, situé dans les souterrains du colosse de Memnon, et va en avertir Sanuasrit. Afin de briser la révolte, ce dernier lance une offensive contre les rebelles. La statue monumentale de Memnon est investie par les soldats et les insoumis sont faits prisonniers. Caché à Thèbes, Araxez est arrêté à son tour. La fille de Sanuasrit, qu'il avait sauvée jadis, ne parviendra pas à lui épargner la prison à vie.
Merci de contribuer à l'identification de cette bande !

Films en quête d'identification

 
 

Films restaurés par les AFF-CNC projetés dans le cadre de la diffusion culturelle

 
L'Empreinte ou la main rouge
L'Empreinte ou la main rouge
© Collections CNC-AFF
 

A la fin du mois d'octobre, le MoMA (New York, Etats-Unis) propose une sélection de films arabes contemporains. A Paris, les films scientifiques du Dr Comandon seront mis en vedette par la Fête de la Science et à l'affiche du Centre Pompidou.

En novembre, une partie de la programmation des Giornate del cinema muto de Pordenone (Italie) consacrée aux films comiques français du début du XXe siècle sera reprise à la cinémathèque de Lausanne (Suisse), complétée par la présentation de L'Assassinat du duc de Guise et L'Empreinte ou la main rouge, deux des chefs d'œuvre de la production du Film d'Art. Une soirée sera également consacrée à la revue 1895. Mi-novembre, le festival de Compiègne propose une sélection de films d'animation, ainsi que des films de Starewitch.

De nombreux festivals clôturent l'année : 9es sommets du cinéma d'animation de Montréal avec près de 60 films publicitaires, 34e festival international du Caire, Festival de cinéma des sanctuaires de Lourdes, festival du cinéma d'Afrique du pays d'Apt.

 


Programmation en cours sur le site des AFF

 
 

Crédits

 

Textes : Béatrice de Pastre, Eric Le Roy, Laurent Bismuth & Magali Gourret
Iconographie et photos : Magali Gourret
Remerciements à Jean-Louis Cot, Coralie Schwander & Eric Loné
Relecture et corrections : Dominique Moustacchi
Coordination technique et mise en ligne : Driss Tsila

 

Nous contacter : cliquez ici.
Pour consulter les lettres précédentes, cliquez ici.
Pour ne plus recevoir la Lettre des Archives françaises du film - CNC, cliquez ici.