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Editorial - janvier 2011 |
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En ce début d'année 2011, les Archives françaises du film du CNC souhaitent à leurs abonnés fidèles cinéphiles, une très belle et riche année de cinéma. Les grands projets de numérisation des oeuvres, en cours et à venir, sont autant de promesses de redécouverte du patrimoine cinématographique et de mise à jour d'oeuvres oubliées. Les Archives poursuivront leurs efforts de mise à disposition des collections, efforts qui permettent d'ores et déjà d'offrir à la curiosité des chercheurs 5133 titres en salle P du site Tolbiac de la Bibliothèque nationale de France.
L'accessibilité aux oeuvres n'est possible aujourd'hui qu'après une étude juridique fine, aussi avons-nous souhaité que l'épisode du « serial » la Vie d'un film à Bois d'Arcy, soit consacré à cet aspect de notre travail que prend en charge avec passion Karine Nonnon. La découverte des collections s'attache à un focus sur la thématique des luttes et combats sociaux, afin de ne pas oublier, à l'heure où les appels à la mobilisation passent par le flux internet, le rôle joué par le cinéma dans la représentation des revendications et des luttes tout au long du XXe siècle. Les célébrations nationales nous permettent également de revisiter la biographie de Blaise Cendrars d'un point de vue cinématographique, ce qui nous rappelle que ce medium n'a pas échappé à l'exploration de ce baroudeur de génie. Voici une invitation à revisiter deux chefs d'oeuvre d'Abel Gance et à se tourner vers Hollywood – la Mecque du Cinéma.
Béatrice de Pastre - Directrice des collections des Archives françaises du film - CNC
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"La vie d'un film à Bois d'Arcy"
13 - Au nom de la loi...
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Karine Nonnon, chargée d'études juridiques |
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La boîte de film, qui sert de fil conducteur à ce parcours à la découverte des métiers des archives cinématographiques, a déjà beaucoup circulé depuis son arrivée à Bois d'Arcy. Elle a été inventoriée, stockée, son contenu analysé, indexé... Et tout cela depuis que son déposant l'a confiée aux équipes... mais qui est-il ? Quel lien a-t-on avec lui ? A qui appartient le film et comment le voir ? C'est Karine Nonnon, chargée d'études juridiques, qui se charge de traiter ces questions, de formaliser les rapports entre les déposants, les ayants droit et le CNC, et de résoudre les problèmes juridiques lorsqu'ils surviennent...
Titulaire d'un DEA en droit des affaires et d'un LLM (Law Level Master) en propriété intellectuelle, Karine est aux Archives françaises du film du CNC depuis mars 2008. Une de ses principales tâches est d'établir les conventions entre le CNC et les détenteurs de boîtes de film, notamment : la « convention générale de dépôt », qui définit les relations juridiques entre le CNC et le déposant des films, et la « convention particulière de restauration » qui doit être signée avec le titulaire des droits d'auteur, le propriétaire du matériel, et le CNC car la restauration d'un film engage le support et le contenu intellectuel...
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Un outil indispensable : le Code de la propriété intellectuelle |
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Mais qui est l'ayant droit ? Karine rectifie : « LES ayants droit... Ce sont les auteurs du film et ils sont nombreux selon le Code de la propriété intellectuelle ». « Ma bible ! » ajoute-t-elle en riant. « Ce sont les réalisateurs, scénaristes, dialoguistes, compositeurs de la musique originale, les adaptateurs et auteurs de l'oeuvre préexistante... cependant, dans les faits, les auteurs cèdent leurs droits d'exploitation au producteur du film. Ce sont donc avec les producteurs que nous signons les conventions particulières. ».
« Mais ce n'est pas toujours aussi simple et des recherches doivent être menées... les oeuvres orphelines par exemple... un grand sujet ! ».
Une oeuvre dite orpheline est celle dont les titulaires de droits ne peuvent pas être identifiés ou retrouvés, malgré des recherches avérées et sérieuses et qui n'est pas dans le "domaine public" (sont considérés dans le domaine public les films pour lesquels 70 ans se sont écoulés depuis la mort du dernier des auteurs survivants ou depuis l'année de production). C'est une situation de blocage car, souvent, les sociétés de production ont disparu et il n'y a pas eu de reprise des actifs, les films ne peuvent donc pas être exploités sans une procédure judiciaire.
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Karine Nonnon
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Il faut alors saisir le tribunal de grande instance avec un dossier prouvant que la société a bel et bien disparu, que le film n'est plus montré et que l'on souhaite l'exploiter à nouveau... «Une proposition de loi relative aux oeuvres visuelles orphelines a été adoptée par le Sénat le 28 octobre 2010. Je suis impatiente de lire le compte-rendu des débats de l'Assemblée nationale et de savoir si des évolutions législatives seront envisagées s'agissant des oeuvres cinématographiques ». Car les fonctions de Karine concernent également la veille juridique et le conseil. Elle sourit : « c'est une phase de mon travail que j'apprécie tout particulièrement : être en relation avec le public, participer à des discussions sur l'évolution des textes. J'ai alors vraiment le sentiment d'être au coeur des missions du CNC en favorisant l'accès aux oeuvres du patrimoine. »
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Parcours découverte "Regard sur Coulibeuf", mis à jour et traduit en anglais
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Pierre Coulibeuf |
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Deux nouvelles fiches catalographiques et de nombreuses notes de réalisation viennent compléter la filmographie du réalisateur Pierre Coulibeuf dans le parcours découverte qui lui est consacré. Une version anglaise est également proposée sur le site :
A look at Pierre Coulibeuf
On a visit to the French Film Archives to which the producer Chantal Delanoë (Regards Productions) contributed prints of all his films, the filmmaker enlightens us regarding his career, his creative process, his conception of cinema, his encounters, his projects.
Accès aux Parcours découverte
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Les collections des Archives françaises du film
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Les collections |
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Les Archives françaises du film conservent, dans les bâtiments de la batterie de Bois d'Arcy et du fort de Saint-Cyr (Yvelines), de nombreuses boîtes de films...
Mais que renferment-elles ?
Les nouvelles pages collections mises en ligne sur le site internet des Archives tentent une cartographie des collections.
Accès aux Pages Collections
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"Découverte thématique des collections"
7 - Luttes sociales et syndicales
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Manifestación frente al congreso
© Centro Cultural de la Republica Cabildo |
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C'est en 1886 que se crée à Lyon la Fédération nationale des syndicats et groupements corporatifs de France, et ce deux ans après la loi de 1884 autorisant les syndicats dans notre pays. Le congrès constitutif de la Confédération Générale du Travail (CGT) qui, du 23 au 28 septembre 1895, réunit à Limoges des représentants des Bourses du Travail et des syndicats fédérés ou indépendants, est l'acte de naissance du syndicalisme confédéré en France. Trois mois plus tard, le Salon Indien du Grand Café à Paris, accueillit la première séance publique payante du Cinématographe Lumière. On sait toute la postérité de cet acte inaugural. C'est pour interroger la portée de cette coïncidence chronologique qu'à l'heure où le Parti Communiste Français (PCF) vient de commémorer le 90e anniversaire du Congrès de Tours, les Archives françaises du film mettent aujourd'hui en avant leur corpus "Luttes sociales et syndicales", qui éclaire les zones de contact entre ces deux lignes de force, a priori parallèles qui, chacune à leur façon, structurent le XXe siècle.
Principalement issus de leurs collections de non-fiction, les films qui constituent cet ensemble documentent l'histoire des mouvements sociaux en France et dans les autres nations occidentales. On peut y distinguer trois époques : celle des révoltes ouvrières pour imposer la reconnaissance légale des syndicats ; l'essor de ceux-ci une fois définis leur organisation et leur domaine d'intervention et celle de leur institutionnalisation. Cet ancrage qui dépasse le champ national n'empêche toutefois pas la crise de frapper de grands secteurs industriels et son corollaire, le chômage.
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Quitter Thionville
© Créative International |
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Ainsi, Messter-Woche 1919 évoque l'insurrection spartakiste de janvier 1919 à Berlin et Munich, réprimée par le gouvernement Ebert-Scheidemann et qui provoque le soulèvement de la population allemande contre les agitateurs. Le film uruguayen, Manifestación frente al congreso , tourné entre 1926 et 1930 à Asunción, rappelle la lutte oubliée d'une foule importante qui manifeste devant le Congrès. En 1946, le document titré [Manifestation vers la place de la Nation à Paris] fixe sur la pellicule un défilé emblématique de ce temps de la reconstruction. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les mots d'ordre de l'Union de la jeunesse républicaine de France, du PCF et du comité national des jeunesses socialistes SFIO, qui manifestent ce jour là ensemble, sont aussi bien "Tuer le fascisme" que "Travail égal, salaire égal". En 1968, Nantes Sud Aviation, filmé entre autres par Pierre-William Glenn et Michel Andrieu, est consacré à la première occupation d'usine de ce printemps contestataire. Deux ans après, Pourquoi la grève, réalisé par Paul Seban, expose la théorie de l'action syndicale comme outil de défense de la classe ouvrière, mais donne aussi la parole aux délégués des travailleurs, qui témoignent de leur engagement au quotidien et de nombreux aspects de leur activité. Quitter Thionville, en 1977 de Mohammed Alkama, analyse la situation de deux mille travailleurs immigrés algériens, ouvriers spécialisés de la sidérurgie, qui doivent être licenciés. Et en 1982, Denain, haut fourneau de la colère, de Christian Deloeuil, revient sur l'annonce de la fermeture du haut fourneau d'Usinor Denain et du plan de licenciements qui l'accompagnait. Le récit de la lutte ouvrière qui s'en suit est également celui du traumatisme durable de toute une région, consécutif au déclin de l'industrie à laquelle elle était toute entière identifiée.
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![[Rushes : IIIe congrès de l'Union des syndicats ouvriers de la région parisienne]](http://www.cnc-aff.fr/internet_cnc/Internet/LettreInfo/Lettre17/14241.jpg) |
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[Rushes : IIIe congrès de l'Union des syndicats ouvriers de la région parisienne]
© Ciné-Archives |
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Pour nourrir ce corpus on pourrait également citer les films de Jean-Pierre Thorn ou de Romain Goupil. Il faut en outre relever qu'un grand nombre des documents qui le constituent sont d'autant plus rares qu'il s'agit d'épreuves non-montées, "rushes" de meetings, assemblées générales, défilés et autres manifestations captées par les militants syndicaux eux-mêmes.
Alors que s'ouvre sa deuxième décennie, il a déjà été clairement établi qu'un des effets de la mondialisation qui caractérise le début du XXIe siècle est précisément la désyndicalisation des principales nations occidentales. Et si les grands pays actuellement confrontés à une industrialisation galopante connaissent aujourd'hui à leur tour une montée en puissance des revendications syndicales, celles-ci comptent dorénavant davantage sur les moyens d'internet et des nouvelles technologies que sur le Cinématographe pour se faire entendre. Gageons toutefois que les puissances de l'image animée ont encore et partout dans le monde, un rôle à jouer en matière de conquête du progrès social.
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Hommage à Blaise Cendrars
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Autour de la roue
© Nelly Kaplan, restauration CNC-AFF |
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On a célébré ce 21 janvier le cinquantième anniversaire de la disparition de Frédéric-Louis Sauser, dit Blaise Cendrars. On retient en général du personnage son oeuvre littéraire et de grand reporter, reflets de son esprit d'aventurier. Le cinéma fut aussi un secteur artistique qui attira sa créativité.
D'origine suisse, c'est comme volontaire dans la Légion étrangère qu'il s'engage dès 1914 aux côtés des soldats français. Grièvement blessé en 1915, il est amputé du bras droit et c'est ainsi qu'il prend place dans la « levée des morts » qui clôt le J'accuse de son ami Abel Gance en 1919. Il est par ailleurs l'assistant du réalisateur sur ce film ainsi que sur La Roue quelques années plus tard. Il a alors l'opportunité de participer à la réalisation de l'un des tous premiers « making off » de l'histoire du cinéma en montant Autour de la roue (1923) qui révèle quelques unes des innovations techniques mises en oeuvre pour l'occasion par Gance ou une visite des décors par Charles Pathé, le producteur du film. Cendrars poursuit ses expériences cinématographiques en signant la même année en Italie La Venere nera qui le laisse insatisfait.
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La Noria © Nefertiti production |
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De retour à Paris il fréquente avec assiduité les artistes rassemblés à la Ruche dont il est aussi l'un des occupants. Mais l'adaptation américaine de L'Or - Sutter's Gold (1936) de James Cruz - le conduit à Los Angeles. Il en ramène un formidable reportage, Hollywood – La Mecque du cinéma où se mêlent anecdotes savoureuses (visite de Beverly-Hills d'où l'on revient avec « la petite moustache de Charlot montée sur un élastique, les dents de sagesse (sic) de Greta Garbo, les ongles de Mae West dans un écrin (sic) ») et simples remarques qui traduisent l'humour et la sensibilité de Cendrars (« J'aime Hollywood et je crois en son avenir et à sa fortune, [...] comme à Florence ou à Paris, je suis réveillé tous les matins par le chant des oiseaux, et cela aussi est de bon augure »)*. Plus tard, le théâtre et le cinéma donnent un cadre à son roman Emmène-moi au bout du monde !… (Denoël, 1956), récit policier à clef qui fit scandale, inspiré de la vie de la comédienne Marguerite Moreno.
Les collections des Archives françaises du film permettent de retrouver Cendrars dans la restauration du Traité de bave et d'éternité de Jean Isidore Isou et le texte de Moravagine en voix off de La Noria (1987) de Charles de Meaux.
* Blaise Cendrars, Hollywood – La Mecque du Cinéma , Editions Bernard Grasset, Paris, 1936, pp. 24 et 32.
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Sortie en DVD de Occupe-toi d'Amélie !
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DVD édités par SNC
© CNC-AFF |
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La ressortie en salles du film de Claude Autant-Lara en 2009, restauré par les Archives françaises du film du CNC, est exceptionnelle car, depuis des décennies, le film était invisible. Les héritiers de Georges Feydeau se sont en effet opposés à l'exploitation du film de Claude Autant-Lara pendant plus de trente ans n'ayant guère apprécié les libertés prises, selon eux, par le cinéaste avec l'oeuvre de leur ancêtre. Autant-Lara, qui a déposé au CNC plusieurs films avant de les transférer à la Cinémathèque Suisse, avait assuré le suivi de cette restauration dans les années 1980 et présenté le film ponctuellement, la plupart du temps à l'occasion d 'hommages au décorateur Max Douy, récompensé par un prix spécial décerné par le Jury au Festival du film de Cannes, en 1949.
La sortie en DVD d'Occupe-toi d'Amélie ! est l'occasion de rappeler que les travaux de restauration entrepris par les Archives françaises du film ont un but conservatoire mais aussi de valorisation. Le retour des oeuvres vers leurs publics est en effet un axe essentiel de la politique patrimoniale du CNC. A ce titre la collaboration établie depuis plusieurs années avec SNC a permis le retour sur les écrans de nombre de films jalons de l'histoire du cinéma français comme La Chartreuse de Parme, La Bandera, La Vie de Bohême, Orphée, La Charrette fantôme et, aujourd'hui, Occupe- toi d'Amélie ! .
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Films restaurés par les AFF-CNC projetés dans le cadre de la diffusion culturelle
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Loin du Viêt-Nam, Joris Ivens, Michèle Ray, William Klein, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Chris. Marker et Alain Resnais
© SOFRA |
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En janvier, les Duos éphémères reprennent à l'auditorium du Louvre avec l'artiste Emily Loizeau. Ce sont cinq soirées thématiques pour découvrir le patrimoine cinématographique français.
Durant tout le mois de février, les Archives françaises du film du CNC s'associent à l'hommage rendu à Jacques Baratier par la Cinémathèque française (Paris) et à la rétrospective Jean-Pierre Melville au Filmuseum de Munich (Allemagne).
C'est aussi l'époque des festivals : festival des Cinémas d'Asie, festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, Zoom arrière à Toulouse...
Au mois de mars, le film Pacific 231, de Jean Mitry, devrait être à l'affiche du Forum des Images et Loin du Viêt-Nam projeté à Londres...
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Crédits
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Textes : Béatrice de Pastre, Eric Le Roy, Laurent Bismuth & Magali Gourret
Iconographie et photos : Magali Gourret
Remerciements à Karine Nonnon
Relecture et corrections : Dominique Moustacchi
Coordination technique et mise en ligne : Driss Tsila
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